Le week-end du pont avait des allures de promesse douce : du repos, une sortie au cinéma avec mes enfants, un peu de légèreté après ces dernières semaines trop chargées, trop remplies, trop tout.
J’avais même prévu d’aller voir la rediffusion du Peuple migrateur, un film-documentaire qui m’avait marquée il y a des années, et que je voulais partager avec eux.
Mais parfois, le réel déjoue les intentions.
Et ce week-end-là , mes enfants ont poussé un peu trop loin les limites du vivre-ensemble.
🎬 De la pédagogie à la fermeté
Ils explorent. Ils testent. Ils apprennent.
Et moi, entre grosse fatigue nerveuse, surcharge mentale et besoin de silence, j’ai dû poser une limite claire : pas de cinéma.
Pas cette fois.
La sortie annulée a généré de la frustration — chez eux comme chez moi.
Mais aussi de la réflexion : sur le sens des promesses qu’on fait, sur ce qu’on apprend quand on renonce à un plaisir commun, et sur cette autodiscipline parentale qui consiste à dire “non” même quand le cœur aimerait dire “tant pis”.
🕊️ “Migration” : un film qui m’a rappelée à moi-même
Alors que je pensais parler du Peuple migrateur, c’est finalement un souvenir plus ancien qui a refait surface : celui du film d’animation Migration, que j’ai vu avec eux il y a un peu plus d’un an.
Un film doux, poétique, mais qui m’a bouleversée.
Parce que derrière les volatiles dessinés, j’ai reconnu mon propre combat migratoire affectif :
celui que j’ai mené, parfois en silence, pour convaincre le père de mes enfants de m’accompagner dans mes projets de vie à l’étranger.
En vain.
🌍 L’appel d’ailleurs, toujours
L’Allemagne n’a jamais été un simple fantasme géographique.
C’est un rêve d’enfant nourri par les voyages chez ma tante à Aachen, par la langue que j’ai entendue avant même de la parler, par cette sensation que l’ailleurs est un terrain d’expansion, pas de fuite.
Mais l’ailleurs fait peur, surtout à ceux qui ont grandi sans y être préparés.
À ceux que l’enracinement rassure, même quand il enferme.
J’ai tenté — Strasbourg, le sud de la France, un vol en famille, un camping à vélo — mais je n’ai jamais réussi à l’emmener jusque-là .
Je portais le projet, il ne l’habitait pas.
🛤️ Le vrai déraciné
Mon compagnon actuel est ouzbek. Il a fui l’Afghanistan à pied.
Il n’a pas eu le luxe de choisir son exil.
Et pourtant, il comprend mon besoin d’horizon bien mieux que celui qui n’a jamais franchi la frontière intérieure de ses certitudes.
Il n’a pas peur des départs.
Il sait qu’un lien solide résiste au mouvement.
Et dans ses silences, je lis une forme de sagesse tranquille que j’espère, un jour, faire entrer dans ma famille recomposée.
Peut-être l’Espagne : un compromis entre racines et envol
Mon projet de vivre en Allemagne avance.
Et quelque part, au fond, je rêve déjà plus loin : l’Espagne, un jour, pourquoi pas.
Pas pour fuir, mais pour continuer d’élargir le cercle — et trouver, peut-être, un juste milieu.
L’Espagne serait une manière douce de vivre à l’étranger, tout en me rapprochant de ma famille paternelle installée en Occitanie.
Un compromis de géographie émotionnelle : entre le besoin de frontière et le désir d’attachement.
Parce qu’avec ou sans cinéma, avec ou sans ailes, avec ou sans accords,
je reste cette femme qui avance, qui croit aux croisements, et qui transmet l’envie d’explorer.
🎒 Éduquer, ce n’est pas rendre docile.
C’est donner à ses enfants le goût d’être libres.
Et parfois, cela passe par des week-ends un peu bancals, où les films ne se regardent pas, mais où l’histoire se construit quand même.