En 2004, j’étais encore une ado un peu gauche, mais déjà animée d’un fort désir d’aventures. C’est cette soif d’ailleurs et de sens qui m’a conduite à participer à mon tout premier chantier bénévole au Château de Ventadour, en Ardèche.
Je n’imaginais pas alors que ce lieu, en ruine mais vibrant, deviendrait un jalon dans ma trajectoire personnelle. Ni que je participerais, trois ans plus tard, à y faire revenir tout un groupe scout, pour un camp d’été hors du commun.
En 2006-2007, en tant que pionnière engagée, j’ai présenté à mon équipe ce projet : faire notre camp dans ce lieu chargé d’histoire. Le vote a été unanime. Nous sommes partis à Ventadour.
Ce n’était pas un simple camp d’ados : c’était une leçon de transmission, d’ancrage, de responsabilité.
Et ce souffle-lĂ , nous le devons Ă Pierre Pottier.
🛠️ L’homme qui rebâtissait ce que d’autres avaient laissé tomber
Pierre Pottier est de ceux qu’on appelle des passeurs.
Né en 1935, enfant prématuré et déjà résilient, il découvre très jeune l’injustice et la beauté abîmée : l’abbaye de Longpont, en ruine, lui révèle que ce ne sont pas toujours les guerres, mais les hommes, qui détruisent ce qu’ils devraient préserver.
Alors il décide de consacrer sa vie au sauvetage du patrimoine.
Ancien ouvrier, formé à l’ébénisterie, à l’ajustage, au dessin et à la maquette, Pierre devient un artisan du passé, mais surtout un bâtisseur d’avenir.
Avec Françoise, sa seconde épouse rencontrée sur un chantier, il sauve, restaure, anime plus de 65 monuments historiques, dans une démarche où l’engagement collectif et la pédagogie occupent une place centrale.
Le Château de Ventadour, qu’il achète en 1968, devient leur plus grand chantier… et leur plus grande œuvre commune.
🌱 Une inspiration vivante
Je suis fière de dire que Pierre Pottier était le mari de ma tante paternelle.
Si ma fibre entrepreneuriale m’a été transmise par ma tante “allemande”, c’est bien auprès de ma tante “vicoise” et de Pierre que j’ai appris ce qu’était l’engagement désintéressé, la force du collectif, et la beauté de la persévérance silencieuse.
Ventadour m’a laissée une empreinte invisible, mais déterminante :
celle de quelqu’un qui plante un clou, une tente ou une idée, sans chercher la reconnaissance, mais avec une foi profonde dans la transmission.
👣 De la pierre à la pédagogie
Je ne suis pas encore devenue cheffe scout – pas encore.
Mais je projette, une fois rentrée de Berlin, d’inscrire mes enfants au scoutisme, et de m’engager à mon tour comme cheffe, pour redonner ce que j’ai reçu.
Parce que le patrimoine n’est pas qu’architectural.
Il est aussi intérieur, pédagogique, humain.
Et transmettre, aujourd’hui, c’est aussi tenir.
đź’¬ Ce que je retiens de Pierre
Il y a des figures qui vous marquent par leur charisme.
D’autres par leur humilité active. Pierre était de la seconde catégorie.
Il a cofondé l’Union REMPART, mobilisé plus de 7000 bénévoles à Ventadour, formé des générations entières au travail manuel, au respect du passé, à la joie d’œuvrer ensemble.
Et tout cela, sans posture. Sans bruit. Juste avec foi et constance.
“Tenir, tenir et résister”, disait-il souvent.
💛 À transmettre, encore
Alors aujourd’hui, je lui rends hommage.
Non pas pour faire mémoire, mais pour prolonger l’élan.
À celles et ceux qui veulent transmettre, enseigner, bâtir, initier…
Ă€ ceux qui pensent que leurs petites pierres ne servent Ă rien : regardez Ventadour.
Et souvenez-vous que l’engagement discret, au bon endroit et avec cœur, peut laisser une trace plus durable que n’importe quel discours.
🕊 Merci Pierre. Merci Françoise. Merci à toute votre famille.
Vous avez planté des graines. Nous les arroserons.